Comment être belle : en croyant en soi

S’aimer soi-même demande souvent un long travail d’apprentissage, abreuvées que nous sommes d’impératifs de perfection. Les psys s’accordent pourtant sur le fait qu’il s’agit de l’un des ingrédients de la réussite, comme l’explique la psychologue Amélia Lobbé, auteure d’un guide sur le sujet (« L’estime de soi, c’est malin », d’Amélia Lobbé aux Leduc.S Editions) : « Une estime de soi stable et solide confère une force tranquille et une liberté d’être soi-même qui influent sur tous les domaines de la vie, de l’apparence physique aux capacités intellectuelles, en passant par la vie sociale. Il est toujours plus facile de prendre la parole en public ou de se lancer dans un nouveau projet si l’on n’est pas paralysé par la peur, les complexes et la certitude que l’on va échouer. »

Les chercheurs en psychologie Françoise Bariaud et Claude Bourcet ont, les premiers, révélé la particularité de cette problématique chez les femmes (« Le sentiment de la valeur de soi à l’adolescence », in « L’orientation scolaire et professionnelle », 1994) : alors que l’estime de soi a tendance à augmenter chez les garçons entre 14 et 23 ans, l’inverse se produit chez les filles. Leur estime de soi baisse au cours de cette période, plus fortement encore entre 18 et 23 ans. Selon eux, la prise de conscience des difficultés sociales qu’elles devront affronter en devenant des femmes en serait l’une des explications.

Mercedes Erra, présidente exécutive de Havas Worldwide et fondatrice de l’agence de pub BETC, confirme : « La question de l’estime de soi n’est pas un petit sujet, c’est la moitié de l’humanité qu’on a conditionnée à n’être ni ambitieuse ni forte. Ces stéréotypes qui modèlent notre culture depuis des milliers d’années sont d’autant plus dangereux quand ils sont dans la tête des filles. On restreint leur univers en appelant féminin le fait d’être sage, de ne pas prendre trop de place, de ne pas se rebeller, et ensuite on s’étonne qu’elles aient moins d’ambition et qu’elles osent moins négocier leur salaire. »

L’estime de soi a tendance à augmenter chez les garçons entre 14 et 23 ans, l’inverse se produit chez les filles

Depuis quelques années, les marques comme Dove ou Nike emboîtent le pas des féministes, invitant les femmes à se rebeller contre les diktats de la beauté et à déboulonner tout ce qui fait obstacle à leur confiance en elles. Mercedes Erra s’en réjouit, mais trouve que ça ne suffit pas : « On pourrait attendre de l’État et des institutions de vastes communications dans ce sens. Si ça ne tenait qu’à moi, je lancerais une campagne qui durerait toute l’année ! J’ai d’ailleurs toujours proposé de le faire gratuitement. » Il est temps, car, en plus de correspondre à un idéal de beauté qui nous culpabilise autant qu’il nous met à l’amende, « Il faut avoir “un bon travail”, “un bon salaire”, “un couple qui dure”, “de beaux enfants” », énumère Laura Cherfi, coach en “empowerment” qui intervient spécifiquement auprès des femmes (au sein de l’association les Chahuteuses). Nous donnons tant d’importance à ce qu’on croit que les autres attendent de nous, qu’on en oublie la seule vraie question : “Et moi, selon mon propre système de valeurs, selon mon histoire, mes rêves, mes ambitions, qui est-ce que j’ai envie d’être ?” »

L'estime de soi, ça s'apprend

La bonne nouvelle, c’est que l’estime de soi, ça s’apprend. « On a la main sur la valeur que l’on s’accorde tout au long de notre vie, poursuit la coach. C’est comme un curseur qui bouge en permanence en fonction de ce qu’on vit : nos expériences positives et audacieuses vont la renforcer, les expériences que l’on vit comme des échecs la diminuer. » Pour elle, il n’y a pas de secret : « Il faut oser sortir de sa zone de confort, faire un premier pas quelque part et être bienveillante vis-à-vis de soi ! » Et ne pas être trop pressée, conclut Laura Cherfi : « De la même manière qu’on apprend à marcher en marchant, on apprend à avoir du courage en agissant avec courage. »

Amélia Lobbé nous donne quelques conseils, à se répéter et à mettre en application aussi souvent que possible : « Avant tout, bannir l’autodénigrement, notamment à travers des tics de langage dévalorisants. Il est aussi important de valider et de valoriser chacune de ses petites actions positives, par exemple, en notant ses petites satisfactions ou ses grandes victoires noir sur blanc. Celles-ci deviennent des actes gratifiants sur lesquels on peut s’appuyer afin de prendre confiance en soi et en ses compétences. » Et puis, ne pas se mettre trop de pression : plutôt que de se fixer une multitude de buts à atteindre au même moment, tout mettre en oeuvre pour réaliser un ou deux objectifs raisonnables est bien plus satisfaisant. « Les objectifs impossibles à atteindre peuvent mener au contraire à une conduite d’échec », précise la psychologue. Un dernier conseil ? « Apprécier simplement les compliments lorsqu’ils se présentent », répond Amélia Lobbé. Finissons-en avec cette mauvaise habitude – bien féminine – de repousser les compliments et, au passage, de se dénigrer !

Comment être belle : témoignages

Claire, 30 Ans, Assistante sociale : « Il faut oser être soi-même, tout bêtement. »

« C’est le travail de toute une vie d’apprendre à aimer son corps. J’ai toujours eu un regard doux à son égard. Ces dernières années, m’affirmer professionnellement mais aussi sexuellement m’a permis de m’accepter totalement. Je me suis laissé vivre librement, avec mes désirs, ma sensualité, mes imperfections et, surtout, mes atouts. Si je pouvais donner un conseil à la Claire de 20 ans, je lui dirais de se libérer sans attendre des carcans moralistes et d’oser être elle-même, tout bêtement. Mais c’est un équilibre fragile. Aujourd’hui, bien que j’aie beaucoup de mal à l’admettre, j’aimerais perdre quelques kilos. Pas pour me conformer à un modèle esthétique, mais pour continuer à me sentir bien. Il est merveilleux ce corps, mais c’est aussi un travail permanent d’accepter qu’il change et que notre regard sur lui évolue. »

Romy, 27 Ans, photographe et modèle : « Je ne suis pas dans la norme, mais je suis en phase avec mon corps. »

« Quand j’étais petite, je pensais que les vraies filles étaient blondes. J’ai aussi passé mon adolescence à me rêver plus mince. Ma morphologie est un peu “old school” : un “corps de peinture”, me dit-on… Sauf que je vis dans une époque dont les normes de beauté ne me ressemblent pas. Je me suis longtemps empêchée de m’affirmer. À 20 ans, j’ai commencé à poser pour des photographes. Ma deuxième expérience en tant que modèle a tourné au cauchemar : le photographe m’a agressée sexuellement. Tout le monde me disait qu’il ne fallait plus jamais le faire et, bien au contraire, je l’ai refait. D’abord parce qu’il n’y avait rien de mal à poser nue, ensuite parce qu’il était hors de question de donner raison à cet agresseur. J’ai bien fait. Aujourd’hui, je suis totalement en phase avec mon corps. »

Kiyemis, 23 Ans, étudiante : « Internet m’a donné accès à d’autres images de femmes. »

« Je ne suis pas encore au bout du chemin, j’apprends à m’aimer tous les jours. Ne ressemblant pas aux canons de beauté traditionnels occidentaux, aimer son corps, le trouver beau et sensuel, se regarder nue sans éprouver des sentiments négatifs, c’est une conquête de tous les jours. À partir de l’adolescence, j’ai ressenti le besoin de m’entourer d’images qui me faisaient du bien. Je ne voyais nulle part des filles qui me ressemblaient. Internet m’a donné accès à des milliers d’images de femmes noires de toutes les formes, affirmées et sûres d’elles. Ce qui m’a permis de m’accepter, c’est surtout de ne pas me sentir seule : des Stéphanie Zwicky, Ashley Graham ou Gaëlle Vanessa Prudencio m’y ont aidée. Tous les jours, entourée de ces images, je construis cet amour de soi qui m’est indispensable pour pouvoir avancer la tête haute. Maintenant que je me trouve belle dans des petites robes, mon défi est de me sentir bien dans un pantalon. Là, j’aurai réussi ! »

Cet article a été publié dans le magazine ELLE.  Abonnez-vous ici.